dimanche 22 octobre 2017

[Réflexion] #MeToo



Je ne sais même plus quel âge j’avais la première fois. Moins de 10 ans. J’étais à la piscine quand j’ai vu, derrière la porte arrière vitrée, un gars qui se masturbait. Je n’ai pas compris ce qu’il faisait ni avec quoi il jouait dans son pantalon. Mais j’ai saisi son air malsain, que ce qu’il faisait n’était pas anodin. J’ai  averti mon professeur de natation. Il ne m’a pas crue quand je lui ai dit qu’un « Monsieur faisait des trucs bizarres à la fenêtre. » Il a pensé que j’essayais d’esquiver mon exercice que j’ai dû exécuter fissa.

Ma mère m’a crue, elle. Elle a explosé de colère quand je lui ai raconté ma mésaventure. Elle assistait à chacun de mes cours de natation ; mais de là où elle était, elle ne pouvait pas voir la fenêtre choisie par l’exhibitionniste. Nous avons alors convenu d’un signe que je lui ferai de suite, si je revoyais cet infâme personnage.

Ce jour-là, ma mère a dû trouver une solution parce que je n’avais pas été prise au sérieux alors que confrontée à quelque chose de grave. Je ne me souviens pas du visage de mon agresseur, mais je n’ai pas oublié son air dégueulasse pendant qu’il se tripotait. Je n’ai pas oublié le signe que je devais faire non plus.  

Bienvenue dans un monde où les femmes doivent se serrer les coudes pour se protéger de la perversité des hommes.

J’ai décidé de rédiger cet article parce que depuis l’affaire Weinstein, je ressens le besoin de vomir les présentes lignes. Je pourrais pondre un bouquin de remarques salaces et/ou sexistes. Je vais essayer d’aller à l’essentiel. Parce que je pense que nous devrions toutes relater ce dont nous avons été victimes. Parce que nous ne sommes pas des hystériques puritaines. Parce que nous avons toutes souffert de ce monde machiste et qu’il est grand temps que cela cesse. Parce que nous avons toutes un Weinstein à nous. Parce que nous n’exagérons rien.

Adolescente, j’ai eu la mauvaise idée de me bourrer la gueule à proximité d’un mec qui avait décidé « je vais me la faire. » Je ne me suis rendue compte de rien. C’est par après que j’ai appris avoir eu la chance d’avoir été protégée par un garçon amoureux de moi, sinon j’aurais peut-être été violée. Je n’ai jamais pu remercier mon protecteur.

J’ai été en couple avec un gars qui me considérait comme son objet. Interdiction de mettre des baskets, les filles ça porte des talons. Interdiction de m’attacher les cheveux : une fille, ça porte des cheveux longs lâchés.  J’ai bouffé sa jalousie maladive pendant des années.  Alors que pendant qu’il me cocufiait, je n’avais rien à me reprocher.  Si je refusais d’ouvrir les cuisses sur commande, c’est que je m’étais faite sautée par des tas d’autres mecs. A la Saint Valentin, il me couvrait de tas de cadeaux. Le lendemain j’étais à nouveau une pute. Je devais avoir son autorisation pour faire des activités avec mes amies, surtout si elles étaient célibataires. (Ben oui, si elles sont célib’, elles cherchent constamment un mec pour les baiser.)

Le jour où je l’ai quitté, il a hurlé devant tout le monde que quand je coucherai avec un autre, je devais me souvenir que c’était lui le premier. 5 ans de relation, et tout ce que ce gars regretterait, c’était mon cul. Il a mis un temps à comprendre que tout était fini. L’une des rares fois où nous avons eu un contact au téléphone après la rupture, il a réussi à me gonflé une fois de plus. Il était fâché d’apprendre que j’avais fait un piercing à la langue. Parce que Monsieur avait loupé l’occasion de se faire sucer avec un piercing. Ce que je devenais, il s’en foutait.

Je crois que je ne serais pas capable de lui faire la bise tellement il me dégoûte.

Lorsque j’étais étudiante en droit, je papotais avec une copine sur un banc dans un parc. L’un de nos cours avait été annulé, alors nous prenions le soleil dans le parc face à l’université. Trois gars ont débarqué. L’un a essayé de m’embrasser de force. Pendant que j’ai levé mon poing pour lui mettre dans la tronche, un autre s’était faufilé derrière moi et a plaqué ses mains sur mes seins. Ensuite ils ont échangé leur place, histoire que celui qui avait tenté de m’embrasser puisse lui aussi me tripoter. J’ai vu rouge. Très très rouge. J’ai pété un plomb, hurlé comme une possédée et couru après ses connards qui ont pris la fuite. Pervers mais pas courageux. Comme tous les gens autour de nous dans le parc : PERSONNE a bougé son putain de cul pour nous venir en aide. Ma pote ne pouvait rien pour moi, elle essayait de se débarrasser du troisième agresseur pendant que les deux autres s’en prenaient à moi.

Je me suis effondrée chez moi quand ma mère m’a demandée comment j’allais. Je me sentais sale. Je ne me suis jamais sentie aussi sale de ma vie. J’ai pris une douche, j’aurais bien frotté ma peau jusqu’à en saigner.

J’ai bossé 5 ans comme hôtesse d’accueil dans un business lounge. Je ne me souviens plus de toutes les remarques salaces. Celle qui m’a le plus marquée c’est « I’d like to lick some nipples. » Ma supérieure ne m’a pas crue quand je lui ai dit. Jusqu’à ce qu’elle y ait droit, elle aussi.

Mon emploi suivant s’est déroulé dans un milieu plutôt masculin. Un milieu où tes collègues peuvent t’estimer, je cite, baisable. Un milieu où tu n’as pas le droit de t’opposer à ce genre de remarque. Bien entendu, j’ai eu droit à l’argument du « tu devrais être flattée. » Quand j’ai demandé à mon interlocuteur s’il accepterait que sa fille soit qualifiée de baisable, il a répondu « ah ma fille c’est ma princesse. »  J’étais sensée accepter ce qu’il n’accepterait pas pour sa fille. J’étais sensée accepter être un vagin sur pattes.

Je pourrais vous faire une compilation de toutes les remarques sexistes que j’ai bouffées. Tous les harcèlements de rue dont j’ai fait l’objet. Je vais me contenter de vous livrer la réflexion la plus poétique à laquelle j’ai eu droit : « Hey mademoiselle, ça te dirait que je mette ma bite dans ton vagin ? »

Je livre ici des événements dont il m’est difficile de parler, parce qu’il est temps que ça cesse. Parce que je ne suis l’objet de personne. Parce que mes ovaires ne me rendent pas inférieure à qui que ce soit. Parce que je porte des jupes ou des tenues un peu sexy uniquement quand je suis accompagnée de mon mec et/ou que je sais que l’on va me raccompagner en voiture. Parce que bien des mecs se déclarent blancs comme neige alors que nombre d’entre eux se sont livrés à des  attitudes sexistes/dégradantes ou qu’ils ont cautionné celles de leurs potes.

Ne venez pas me dire que vous n’êtes pas comme ça. Dites-moi que vous ouvrirez votre gueule quand vous verrez une fille agressée. Que vous n’écouterez pas une gamine dénonçant un potentiel pédophile d’un air distrait. Que vous ne traiterez jamais votre compagne comme un objet soumis à vos désirs. Que vous traiterez vos collègues féminines avec respect, sans commentaire sur leurs fringues ni leur potentiel au pieu.

Je suis tellement écœurée et en colère que je pourrais écrire 50 pages. 50 de plus si je relatais ce dont ont été victimes les femmes de mon entourage. Je vais m’arrêter là avec des mots repérés sur la page facebook de Rose Mc Gowan, victime d’Harvey Weinstein :

The devil whispered in my ear “You’re not strong enough to withstand the storm”.
Today I whispered in the devil’s ear “I am the storm.”



#MeToo-ment vôtre,

Solaena

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