Grace n’a pas toutes les frites dans le même sachet : elle a besoin de
compter TOUT ce qui l’entoure. Oui, oui, absolument TOUT : les graines de
pavot sur un morceau de gâteau, les poils de sa brosse à dent, le nombre de pas
de chez elle jusqu’au supermarché, etc. TOUT, vous dis-je !
Sa vie est entièrement organisée autour des chiffres et des nombres. Quand
elle fait ses courses, elle achète tout par 10 exemplaires. Alors, quand elle
s’aperçoit à la caisse d’un magasin qu’elle a 9 bananes et non 10 sur le tapis
roulant, elle ne peut s’empêcher de piquer la banane du client suivant. Ce
client, c’est Seamus. Et il va bouleverser la vie bien ordonnée de Grace.
J’ai reçu ce roman à l’occasion d’un
swap spécial « bonne humeur ». Vu le titre, on pourrait être étonné du
choix de ma swapée. Mais en
réalité, elle l’a très bien choisi : ce livre est positif.
D’une part, il faut souligner que le titre original du livre est « Addition ».
Personnellement, je trouve dommage que ce titre n’ait pas été conservé par la
traduction francophone. Néanmoins, le titre prend tout son sens à la lecture de
la dernière page du livre (que je vous laisse découvrir, je ne voudrais pas
spoiler le plus beau passage du livre).
D’autre part, ce roman pose la question de la normalité et des T.O.C avec
humour et un brin de sarcasme comme je les aime. Quand je lis « Puis
je fais cuire mes légumes dans une poêle en fonte, noire et ronde, qui semble
avoir été conçue pour frapper sur la tête d’un mari récalcitrant »[1],
j’ai envie de « j’adore, pas j’aime, j’adore ! ».
Au dos du livre, Laure Mentzel de "Le Figaro Magazine" dit
ceci : « Toni Jordan livre ici un premier roman plein de charme,
qui a le mérite de poser des questions sur la norme et celui, plus grand
encore, de ne pas y répondre.»[2]
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Car je pense que le roman répond
implicitement à la question « Qu’est-ce que la normalité ? ». Et
sa réponse, c’est tout simplement qu’il est impossible de répondre à cette
question ^^ A moins d’être rigide, sans compréhension, voire irrespectueux
voire cruel. Malgré son T.O.C., Grace est une personne attachante. Elle se
complique la vie mais n’embête personne (bon ok, sauf quand elle se sent
obligée de chiper une banane).
En commençant ma lecture du roman, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans son
esprit, et surtout à comprendre son trip pour Nikola Tesla. (D’ailleurs, ce
bouquin pourrait servir de résumé de biographie de N. Tesla tellement Grace
parle de lui :D) Mais très vite, je m’y suis faite. Et très vite, je
voulais savoir ce qui allait se passer entre Seamus et Grace.
« Seamus ». Rien que son nom fait rêver. Peut-être le côté
« sea », ça donne envie de vacances.
Seamus et Grace, c’est parfois chaud bouillant du slip, Toni Jordan n’a pas
fait dans le mormon crépusculaire. Mesdemoiselles, vous allez vite espérer de
croiser Seamus à la caisse du supermarché pour lui chiper sa banane, je vous le
dis :D
Grace et moi avons des points communs : nous sommes toutes les deux
vues comme anormales parce que ne se comportant pas comme la plupart des gens.
Elle compte tout, je ne bouffe pas les animaux. Shame on us. Les gens ont vite
fait de pointer du doigt, tout ce qui sort de leur ordinaire. Et
pourtant, nous avons tous un T.O.C., une manière de faire quelque chose
qui semble étrange aux yeux d’autres personnes. À l’école primaire, toute
ma classe s’était esclaffée de voir que je mangeais des champignons crus. Je
n’ai pas compris ce qu’il y avait de si extra-terrestre à cela. Je suis aussi
une névrosée des chiottes : les chiottes publiques, c’est tout une épopée
pour moi. Je n’ai pas de T.O.C. mais pourtant je suis vite considérée
comme anormale parce que je suis vegan, parce que je mange des champignons
crus, et/ou parce que l’idée d’aller pisser dans les toilettes publiques me
demande une préparation psychologique. Sans compter que je ne veux ni mariage
ni gosse : au bûcher, paria de la société !
Parce qu’on a tous quelque chose de Grace en nous, je vous conseille ce
livre. Et parce que nous avons tous tendance à critiquer ce qui sort de notre
normalité personnelle, je vous encourage d’autant plus à lire ce roman. « Tu
pourrais rater intégralement ta vie » est une belle invitation à la
réflexion sur le respect de l’autre malgré ses différences. Il pourrait amener
un peu de flexibilité dans les esprits trop fermés, ainsi que faire du bien à
ceux incompris.
Si « l’envieux ne crache que sur celui qui le dépasse »
est l’une de mes citations fétiches depuis que j’ai lu «Lorsque
j’étais une œuvre d’art» d’Eric-Emmanuel Schmitt, «Tu
pourrais rater intégralement ta vie» m’a offert une nouvelle phrase
fétiche. Lorsqu’on me critiquera injustement, je répondrai : « Mon
esprit n’est que l’expression de la variété de l’expérience humaine.»[3]
Na !
Ne soyons pas des moutons de Panurge ni des robots conformistes ;
soyons nous même et n’ayons pas peur de l’être : telle est la devise de ce
roman que je vous recommande. Vraiment, lisez-le. Faudrait pas rater
intégralement l’occasion de lire ce roman ovni.
Merci à Ness :D
Solaena
Je suis heureuse que tu aies passé un bon moment! Ta chronique m'interpelle car je n'avais pas pensé, en le choisissant, que tu trouverais des points communs entre toi et Grace :)
RépondreSupprimerCela mis à part, et pour revenir au thème particulier à ce roman, que j'ai apprécié dans ce livre, c'est qu'il traite des tocs différemment. J'en ai lu plein qui s'intéressaient aux troubles mentaux divers et variés en les sublimant de façon trop politiquement correcte, genre "si on se met à leur place, si on entre dans leur tête on découvre que le monde est beau et ce sont eux qui ont raison, ce sont des être tellement sensibles", un peu comme si on voyait le monde avec les yeux d'un enfant (et souvent le héros/héroïne est un enfant qui a des tocs).
Là, le bouquin est différent: on aime Grace parce qu'elle est vraiment intéressante, qu'elle a de la répartie, de l'humour et qu'elle est bien ancrée dans le monde.