Je ne sais
même plus quel âge j’avais la première fois. Moins de 10 ans. J’étais à la
piscine quand j’ai vu, derrière la porte arrière vitrée, un gars qui se
masturbait. Je n’ai pas compris ce qu’il faisait ni avec quoi il jouait dans
son pantalon. Mais j’ai saisi son air malsain, que ce qu’il faisait n’était pas
anodin. J’ai averti mon professeur de
natation. Il ne m’a pas crue quand je lui ai dit qu’un « Monsieur faisait des trucs bizarres à la fenêtre. » Il
a pensé que j’essayais d’esquiver mon exercice que j’ai dû exécuter fissa.
Ma mère m’a
crue, elle. Elle a explosé de colère quand je lui ai raconté ma mésaventure. Elle
assistait à chacun de mes cours de natation ; mais de là où elle était,
elle ne pouvait pas voir la fenêtre choisie par l’exhibitionniste. Nous avons
alors convenu d’un signe que je lui ferai de suite, si je revoyais cet infâme
personnage.
Ce jour-là, ma
mère a dû trouver une solution parce que je n’avais pas été prise au sérieux
alors que confrontée à quelque chose de grave. Je ne me souviens pas du visage
de mon agresseur, mais je n’ai pas oublié son air dégueulasse pendant qu’il se
tripotait. Je n’ai pas oublié le signe que je devais faire non plus.
Bienvenue dans
un monde où les femmes doivent se serrer les coudes pour se protéger de la
perversité des hommes.
J’ai décidé de
rédiger cet article parce que depuis l’affaire Weinstein, je ressens le besoin
de vomir les présentes lignes. Je pourrais pondre un bouquin de remarques
salaces et/ou sexistes. Je vais essayer d’aller à l’essentiel. Parce que je
pense que nous devrions toutes relater ce dont nous avons été victimes. Parce
que nous ne sommes pas des hystériques puritaines. Parce que nous avons toutes
souffert de ce monde machiste et qu’il est grand temps que cela cesse. Parce
que nous avons toutes un Weinstein à nous. Parce que nous n’exagérons rien.
Adolescente, j’ai
eu la mauvaise idée de me bourrer la gueule à proximité d’un mec qui avait
décidé « je vais me la faire. »
Je ne me suis rendue compte de rien. C’est par après que j’ai appris avoir eu
la chance d’avoir été protégée par un garçon amoureux de moi, sinon j’aurais
peut-être été violée. Je n’ai jamais pu remercier mon protecteur.
J’ai été en
couple avec un gars qui me considérait comme son objet. Interdiction de mettre
des baskets, les filles ça porte des talons. Interdiction de m’attacher les
cheveux : une fille, ça porte des cheveux longs lâchés. J’ai bouffé sa jalousie maladive pendant des
années. Alors que pendant qu’il me
cocufiait, je n’avais rien à me reprocher. Si je refusais d’ouvrir les cuisses sur
commande, c’est que je m’étais faite sautée par des tas d’autres mecs. A la
Saint Valentin, il me couvrait de tas de cadeaux. Le lendemain j’étais à
nouveau une pute. Je devais avoir son autorisation pour faire des activités
avec mes amies, surtout si elles étaient célibataires. (Ben oui, si elles sont
célib’, elles cherchent constamment un mec pour les baiser.)
Le jour où je
l’ai quitté, il a hurlé devant tout le monde que quand je coucherai avec un
autre, je devais me souvenir que c’était lui le premier. 5 ans de relation, et
tout ce que ce gars regretterait, c’était mon cul. Il a mis un temps à comprendre
que tout était fini. L’une des rares fois où nous avons eu un contact au
téléphone après la rupture, il a réussi à me gonflé une fois de plus. Il était
fâché d’apprendre que j’avais fait un piercing à la langue. Parce que Monsieur
avait loupé l’occasion de se faire sucer avec un piercing. Ce que je devenais,
il s’en foutait.
Je crois que
je ne serais pas capable de lui faire la bise tellement il me dégoûte.
Lorsque j’étais
étudiante en droit, je papotais avec une copine sur un banc dans un parc. L’un
de nos cours avait été annulé, alors nous prenions le soleil dans le parc face
à l’université. Trois gars ont débarqué. L’un a essayé de m’embrasser de force.
Pendant que j’ai levé mon poing pour lui mettre dans la tronche, un autre s’était
faufilé derrière moi et a plaqué ses mains sur mes seins. Ensuite ils ont échangé
leur place, histoire que celui qui avait tenté de m’embrasser puisse lui aussi
me tripoter. J’ai vu rouge. Très très rouge. J’ai pété un plomb, hurlé comme
une possédée et couru après ses connards qui ont pris la fuite. Pervers mais
pas courageux. Comme tous les gens autour de nous dans le parc : PERSONNE
a bougé son putain de cul pour nous venir en aide. Ma pote ne pouvait rien pour
moi, elle essayait de se débarrasser du troisième agresseur pendant que les
deux autres s’en prenaient à moi.
Je me suis
effondrée chez moi quand ma mère m’a demandée comment j’allais. Je me sentais
sale. Je ne me suis jamais sentie aussi sale de ma vie. J’ai pris une douche, j’aurais
bien frotté ma peau jusqu’à en saigner.
J’ai bossé 5
ans comme hôtesse d’accueil dans un business lounge. Je ne me souviens plus de
toutes les remarques salaces. Celle qui m’a le plus marquée c’est « I’d like to lick some nipples. » Ma
supérieure ne m’a pas crue quand je lui ai dit. Jusqu’à ce qu’elle y ait droit,
elle aussi.
Mon emploi
suivant s’est déroulé dans un milieu plutôt masculin. Un milieu où tes
collègues peuvent t’estimer, je cite, baisable.
Un milieu où tu n’as pas le droit de t’opposer à ce genre de remarque. Bien
entendu, j’ai eu droit à l’argument du « tu devrais être flattée. » Quand j’ai demandé à mon
interlocuteur s’il accepterait que sa fille soit qualifiée de baisable, il a
répondu « ah ma fille c’est ma
princesse. » J’étais sensée
accepter ce qu’il n’accepterait pas pour sa fille. J’étais sensée accepter être
un vagin sur pattes.
Je pourrais
vous faire une compilation de toutes les remarques sexistes que j’ai bouffées.
Tous les harcèlements de rue dont j’ai fait l’objet. Je vais me contenter de
vous livrer la réflexion la plus poétique à laquelle j’ai eu droit : « Hey mademoiselle, ça te dirait que je
mette ma bite dans ton vagin ? »
Je livre ici
des événements dont il m’est difficile de parler, parce qu’il est temps que ça
cesse. Parce que je ne suis l’objet de personne. Parce que mes ovaires ne me
rendent pas inférieure à qui que ce soit. Parce que je porte des jupes ou des
tenues un peu sexy uniquement quand je suis accompagnée de mon mec et/ou que je
sais que l’on va me raccompagner en voiture. Parce que bien des mecs se
déclarent blancs comme neige alors que nombre d’entre eux se sont livrés à des attitudes sexistes/dégradantes ou qu’ils ont
cautionné celles de leurs potes.
Ne venez pas
me dire que vous n’êtes pas comme ça. Dites-moi que vous ouvrirez votre gueule
quand vous verrez une fille agressée. Que vous n’écouterez pas une gamine
dénonçant un potentiel pédophile d’un air distrait. Que vous ne traiterez
jamais votre compagne comme un objet soumis à vos désirs. Que vous traiterez
vos collègues féminines avec respect, sans commentaire sur leurs fringues ni
leur potentiel au pieu.
Je suis
tellement écœurée et en colère que je pourrais écrire 50 pages. 50 de plus si
je relatais ce dont ont été victimes les femmes de mon entourage. Je vais m’arrêter
là avec des mots repérés sur la page facebook de Rose Mc Gowan, victime d’Harvey
Weinstein :
The devil whispered in my ear “You’re not strong
enough to withstand the storm”.
Today I whispered in the devil’s ear “I am the
storm.”
#MeToo-ment vôtre,
Solaena
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